Rencontre avec la fondatrice de la marque de bijoux éco-responsable Carole & Co
Après 20 ans de carrière au sein du prêt-à-porter, Carole s’est lancée dans l’entrepreneuriat engagé. Passionnée par la mode et le zéro-déchet, c’est par le détour sur un salon de loisirs créatif puis l’encouragement de ses copines qu’elle a créé la marque de bijoux upcyclés Carole & Co.
Contenu de l’interview :
Bonjour Carole ! Peux-tu nous parler de ton parcours avant la création de Carole & Co ?
Je m’appelle Carole et j’ai travaillé pendant 20 ans dans le prêt-à-porter.
Depuis mes 13-14 ans, je voulais bosser dans la mode. Du coup, j’ai fait des études de communication et gestion de produits de mode.
J’ai passé quasiment 20 ans [au sein d’une marque toulousaine] de vêtements homme-femme. Je suis passée d’assistante de collection à chef de produit et responsable marketing. J’ai fait plusieurs postes au sein de l’entreprise avant qu’elle se retrouve en redressement judiciaire.
C’était un peu la panique à bord parce que je voulais continuer à bosser dans un milieu qui me plaisait mais je n’avais pas un autre poste [équivalent] à Toulouse, en fait.
J’étais hyper sensible depuis quelque temps à l’écologie, au zéro déchet. Quand je faisais des campagnes de com, mailing, vitrophanie, etc. pour les boutiques, ça n’allait pas trop avec mes valeurs.
Du coup, j’ai cherché du boulot dans le zéro déchet sur Toulouse. J’ai vite vu qu’il n’y avait pas de poste pour moi. Ils prenaient des petits contrats ou des jeunes en mission. Je me suis dit que ça allait être compliqué.
En parallèle, ça faisait déjà 2-3 ans que j’avais créé des boucles d’oreilles en cuir.
Qu’est-ce qui t’a donné l’idée et l’envie de créer une marque de bijoux “upcyclés” / avec du cuir ?
[Ça a commencé quand] je me suis retrouvée sur un salon de loisirs créatifs. Il y avait plein de stands qui ne me plaisaient pas du tout et je ne savais pas trop ce que je faisais là. Et là, d’un coup, je vois un stand avec des peaux. J’ai toujours été attirée par le cuir. Dans ma tête, je me disais que j’aimerais bien lancer une marque de sacs. Et là, je vois que la personne sur ce stand vend des carrés et des ronds de cuir [de différentes couleurs]. Je me suis dit, c’est génial !
À l’époque, je m’occupais aussi des accessoires [dans l’entreprise où j’étais salariée]. Je choisissais des couleurs dans le prêt-à-porter. Je me suis dit, “attends, je vais en acheter et me faire des boucles”. J’avais vu une paire de boucles en cuir une fois chez une copine qui faisait des bijoux en cuir mais elle ne les faisait plus donc je n’avais pas pu les acheter. [J’ai voulu] essayer de faire quelque chose de minimaliste, assez simple, et ensuite j’ai mis ces boucles.
Et là, mes copines me disent “ah elles sont sympas tes boucles”. Je leur dis “T’aimes bien ? C’est moi qui les fait. Si tu veux, je peux t’en faire une paire.”
J’en ai fait pour les copines comme ça. Après, comme elle les portaient, leurs copines ou leurs collègues trouvaient ça sympa. Donc, je leur ai dit “bon ok, je peux leur en faire. Pour vous, je vous les offre, mais après, je vais les vendre”. Mais je faisais ça peu, parce que j’avais un boulot très chargé.
Quand et comment est-ce que Carole & Co a (officiellement) vu le jour ?
Pendant ces six mois de redressement judiciaire, je me posais plein de questions. Et comme j’avais fait [cette activité-là en parallèle], je savais que ça marchait.
Des amis d’amis organisaient un marché de créateurs à Borderouge en décembre 2019. C’était possible [pour moi d’y participer], même si je n’avais pas d’entreprise, donc je me suis dit ok, je prends un stand et je vais voir ce que ça donne.
J’avais une dizaine de bijoux [en stock], donc ça ne suffisait pas pour un marché. J’ai racheté du cuir, fabriqué, et je suis allée sur ce marché.
C’était pile le moment où on allait se faire licencier à la fin du mois. [D’avoir cette activité et ce marché], ça me permettait de ne pas sombrer dans la dépression.
Je fais ce marché et là, super carton !
J’utilise mes compétences en merchandising pour installer mon stand. Je fais un peu de pub. J’envoie des messages à tous les copains en disant “je fais un marché de noël tel jour, si vous voulez venir”.
Toutes les copines viennent et j’ai fait une super journée. Donc, je me suis dit banco, je m’installe. Je suis vite allée à la chambre de métier pour leur demander s’ils pouvaient m’inscrire et j’ai créé Carole et Co.
En janvier 2020, je n’avais pas de site web. J’avais rien. J’avais juste fabriqué la collection et quelques rendez-vous pour vendre dans des CE [comités d’entreprise]. Et là, confinement. Il a fallu créer le site, faire quelques marchés, commencer à [démarcher] les boutiques. J’ai développé [mon activité] petit à petit.
L’entrepreneuriat, c’est s’adapter.
Pourquoi avoir choisi le nom Carole & Co ?
Et Co, c’est pour les copines. Cette aventure, c’est grâce à elles, parce qu’elles ont porté mes bijoux, qu’elles m’ont fait de la pub. C’est une copine qui m’a mis le pied à l’étrier pour entrer au marché. C’est une copine avec qui je suis allée au salon des loisirs créatifs. Tout part de là.
Après, c’est mon cousin qui a fait mon site. Aujourd’hui, mon conjoint m’aide.
Collaboration. Communication. Tout commence par CO.
Et, du coup, phonétiquement, ça sonne aussi comme “Carole Eco”. Ça a tous les avantages.
Justement, parlons d’écologie. Comment est-ce que ton engagement environnemental prend forme dans ton activité ?
Je n’ai pas créé une marque en disant, voilà, ma marque va être responsable. Ça s’est fait petit à petit, naturellement.
Et aujourd’hui, je suis assez fière parce que, en fait, ce que je fais c’est de l’upcycling.
Je fabrique mes bijoux en chutes de cuir du Tarn.
Les attaches, au début, je les ai achetées dans la mercerie du coin. Après, j’ai cherché un fournisseur français ou européen. Un fournisseur [que j’avais trouvé sur internet] m’a dit qu’il allait au salon Bijorhca à Paris deux jours plus tard. Je lui dis très bien, je vais voir, et là-bas, j’ai trouvé des fournisseurs d’attaches français et espagnols.
Après, je me suis dit, je vais faire une carte de visite chez l’imprimeur que je connais à Balma et demander un papier le plus éco-responsable possible, éco-conçu avec de l’énergie verte. Après, je me suis dit, je vais utiliser ma carte de visite pour présenter mes produits.
Ensuite, il fallait penser à l’emballage. Là, je me suis dit, “je ne vais pas aller acheter des emballages jetables. Qu’est-ce que j’ai sous la main?” J’avais des carrés de tissu déjà découpés, que j’avais récupérés parce qu’on voulait tout jeter quand on a fermé la boîte [où je travaillais]. Avec ça, j’ai fait mes pochettes en tissu.
Aujourd’hui, je vends de plus en plus de bijoux, donc les pochettes, c’est compliqué. C’est ma mère qui m’aide [à les faire] mais il va falloir que je trouve une solution. Par contre, j’arrive à récupérer pas mal de tissu et des pochettes en tissu déjà fabriquées par d’autres marques. J’essaie de mettre un petit thermocollant ou un tampon pour les recycler, ou je les recouds si elles sont grandes et qu’il y a juste le logo en bas.
Je récupère aussi des boîtes à bijoux, parce qu’on achète des bijoux, on garde les boîtes, puis on finit souvent par les jeter à la poubelle. Du coup, je suis en train de mettre en place des collectes pour recycler des boîtes à bijoux.
Après, il faut juste que je mette mon logo dessus et les gens peuvent partir avec une boîte qui a déjà servi.
Ensuite, j’ai des présentoirs en chute de bois de terrasses ou planchers.
C’est des ingénieux, c’est beau, et ça m’évite d’aller acheter des présentoirs fabriqués en Chine ou ailleurs.
Au niveau des points de vente, j’ai des boutiques de créateurs, des concepts stores, des revendeurs… Mais j’ai aussi pas mal de boutiques éco-responsables et des épiceries vrac / zéro déchets
Enfin, je me déplace le plus souvent en vélo.
En fait, tout ce que j’ai mis en place dans ma vie privée, je le mets dans ma vie pro, parce que, pour moi, il n’y a pas de sens à essayer d’être en transition écologique si je ne l’applique pas à ma vie pro.
Après, ce qui est difficile pour moi, c’est tout ce qui est numérique (réseau social, site, newsletters).
Parce que, du coup, j’envoie des newsletters. Pas beaucoup en me disant que ça consomme. Pareil quand je fais un post, surtout une vidéo.
En même temps, il faut bien que je communique pour vivre, sinon, je n’ai pas assez d’achats.
Est-ce que tes client.e.s partagent souvent cet intérêt pour l’écologie ?
J’ai des clientes qui sont attirées à l’éco-responsabilité et contentes de trouver un produit qui allie écologie et esthétique. Souvent, on voit des bijoux en cuir plus rustiques, moins contemporains. Moi, je pense que ce n’est pas parce qu’on est écolo qu’on ne peut pas être hyper tendance.
Et après, j’ai aussi des personnes qui ne sont pas du tout sensibles à ça, mais qui aiment bien mes produits. Du coup, elles se sensibilisent en découvrant et suivant Carole & Co.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce que tu fais ?
Je crois que c’est le fait d’être polyvalente. Je fais plein de choses en même temps et ça, j’adore.
Le contact humain, aussi. Que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur un lieu de vente. Quand les gens apprécient mes produits, quand ils en parlent, quand ils les mettent, quand ils me font des retours.
Par exemple, pour les boîtes à bijoux, j’ai eu un message d’une personne sur Toulouse qui me suit sur les réseaux qui m’a dit “mais moi, j’en ai des boîtes, je peux vous en donner !” Elle est venue dans une boutique où j’étais permanence me les donner et m’a dit “J’adore ce que vous faites pour la planète.”
J’aime aussi cette entraide entre créateurs. Toutes les rencontres que je fais. En 20 ans dans la même boîte, je rencontrais beaucoup moins de personnes qu’en 3 ans avec Carole & Co.
Est-ce que tu as des nouveautés à nous dévoiler ?
Jusqu’à présent, je n’avais qu’un bracelet pour homme et il y n’avait qu’une taille. Là, je sors des bracelets pour hommes en cuir avec des tailles réglables. Ça reste très simple et sobre, mais j’y ajoute mon trait.
J’ai une demande pour les hommes via les boutiques aussi. On ne pense pas souvent aux hommes pour les accessoires, mais il y en a beaucoup qui aiment ça et un accessoire en cuir, ça reste un indémodable qui va durer longtemps.
J’ai fait le test sur mon premier fan, mon mari, et je me suis dit que ça pouvait plaire aux autres aussi.
Depuis le début, quand je fais mes bijoux, il faut que ça me plaise aussi. Quand j’en faisais 5 – 6 pour m’amuser et les revendre ou pas, je me disais ‘bon, de toute façon, si ça ne se vend pas, ce bijoux me plaît, donc ça sera pour moi. Donc en fait, je voulais toujours faire un truc qui me plaise et je garde cette idée encore aujourd’hui. C’est comme ça que j’arrive à avoir ma patte.
Où peut-on retrouver les créations Carole & Co ?
J’ai la liste de mes points de vente partout en France sur mon site internet. Sur Toulouse, il y a notamment l’Adresse Confidentielle, Kilo Vert et Les Tarés du Vrac.
Merci beaucoup, Carole. C’était super intéressant de pouvoir échanger avec toi !
Pour découvrir les créations de Carole & Co et soutenir cette belle marque toulousaine engagée, rendez-vous sur son site et compte Instagram.